Community Insights des échanges d’expérience CEO4Climate
Après le Oui explicite à la loi climat le 18 juin, il semble que les politiques n’adopteront pas une loi sur le CO2 appropriée. Ce serait pourtant essentiel, une telle loi fixerait en effet des mesures d’ici 2030. Il est donc d’autant plus important que l’économie avance sur la question de la protection du climat et que les entreprises exploitent les opportunités qui s’y rattachent.
Les échanges d’expérience CEO4Climate du 25 octobre 2023 ont réuni une soixantaine de dirigeants de grandes entreprises suisses chez Google pour réfléchir à cette question : comment des objectifs climatiques ambitieux peuvent-ils promouvoir l’innovation et contribuer à repenser nos modèles existants ?
Outre les échanges d’expérience confidentiels, des cas pratiques et des pistes de réflexion ont été présentés par Urs Hölzle (Google Fellow), Elena Walder (Managing Partner Übermorgen Ventures) et René Estermann (directeur Protection de l’environnement & de la santé, Ville de Zurich).

Photos: Valentin Müller
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Key Community Insights
- L’adoption d’objectifs climatiques ambitieux demande du courage – notamment parce qu’on ne sait pas toujours exactement si, comment et à quel coût les objectifs pourront être atteints.
- Des objectifs ambitieux et crédibles (par exemple se référant à la Science Based Targets initiative) agissent comme un moteur de l’innovation car ils contribuent à repenser nos modèles.
- Les CEO doivent être conscients de leur rôle de moteur de l’innovation concernant la protection du climat. Cette responsabilité ne peut pas et ne doit pas être déléguée. Un dirigeant profondément motivé peut également motiver son personnel et lui permettre de vivre la culture de l’innovation.
- Dans le monde, mais également en Europe et en Suisse, il y a de plus en plus de start-up qui proposent des solutions dans le domaine de l’énergie et du climat (« Climatech »). En Suisse, les investissements dans ces start-up ont quadruplé l’année dernière. Les grandes entreprises doivent faire appel à ce potentiel d’innovation pour faire progresser la mise en œuvre des objectifs climatiques et exploiter les opportunités de transformation de l’économie en direction zéro net, que ce soit par des coopérations, des participations ou même des acquisitions de start-up répondant à un objectif stratégique.
- Il est essentiel de créer une systématique pour mesurer les émissions de CO2 de l’entreprise. Cela permet aussi de faire avancer l’innovation dans le sens de la durabilité. Un degré d’automatisation aussi élevé que possible et des outils simples sont utiles.
- L’ambition et les progrès réalisés pour atteindre les objectifs climatiques doivent faire l’objet d’une communication transparente en interne comme en externe. Cela conduit en fait à accroître la motivation des collaboratrices et collaborateurs et leur engagement pour réaliser les objectifs.
- Une culture de l’erreur adaptée est indispensable pour atteindre les objectifs zéro net de l’entreprise : il faut une culture de l’organisation qui ose expérimenter.
Objectifs climatiques : avoir des ambitions élevées vs. sécuriser la réalisation des objectifs
Interventions d’Urs Lehner, responsable B2B Swisscom et d’Urs Hölze, Google Fellow
Qu’est-ce que des objectifs ambitieux, comment gérer les imprécisions concernant la réalisation (coûts etc.) des objectifs, que signifie ne pas atteindre un objectif et que faut-il pour qu’un objectif ambitieux devienne un moteur de l’innovation ?
Community Insights
- Des objectifs ambitieux (par exemple Science Based Targets) accroissent la motivation et l’engagement des collaboratrices et collaborateurs ainsi que du management. Un positionnement de précurseur déclenche une dynamique à l’intérieur de l’entreprise. Parallèlement, il faut que les objectifs soient réalistes et il faut définir des objectifs intermédiaires.
- Un objectif climatique ambitieux requiert un certain courage de la part de la direction ; en même temps, les parties prenantes peuvent comprendre qu’un objectif intermédiaire ne soit pas atteint si l’on donne des raisons claires et transparentes.
- La communication sur les objectifs et les progrès réalisés doit être transparente. Le storytelling est un bon moyen de communiquer en interne et en externe sur les objectifs ambitieux et mesurables revendiquées par l’entreprise. Les projets phares doivent être rendus visibles en tant que tels.
- Il existe différents boosters pour faire avancer l’innovation en interne dans le domaine du climat, par exemple un « internal carbon pricing », l’ancrage permanent de l’objectif climatique dans la culture d’entreprise ou des dispositifs incitatifs pour le management se référant à la réalisation de l’objectif climatique.
- Un objectif zéro net est un moteur pour l’innovation et est important pour la « Future License to Operate ». Il constitue le terreau des nouveaux produits, services ou solutions, et il favorisera la performance financière. Swisscom et Google ont des exemples qui vont dans ce sens.
Transition énergétique et protection du climat, une mission de l’entreprise et un business driver
Intervention de Stephan Wartmann, CEO Brugg Gruppe
Différentes grandes entreprises parviennent à faire de la protection du climat et de la transition énergétique une partie de leur mission et un business driver. Quels sont les facteurs déterminants pour que des objectifs climatiques ambitieux soient perçus de manière positive en interne ?
Community Insights
- La durabilité, la transition énergétique et la protection du climat sont des facteurs de fidélisation du personnel et facilitent le recrutement, il faut donc également les apprécier et les renforcer dans cette perspective.
- Toutes les entreprises devraient se poser la question « De quoi a-t-on besoin pour aller vers zéro net ? » et y répondre le plus rapidement possible. Ce questionnement agit comme un moteur de l’innovation, il permet de nouvelles approches et de mettre les objectifs en œuvre.
- Les collaboratrices et collaborateurs doivent être encouragés à discuter d’idées même immatures avec les clients – par exemple la réalisation des objectifs zéro net de l’entreprise. Cela agit comme un puissant moteur de l’innovation. L’intégration de jeunes collaboratrices et collaborateurs de la génération Z aide à repenser les process conventionnels et à rester innovant.
- Les secteurs d’activité qui empêchent de passer à zéro net devraient être analysés et éventuellement cédés. Cela crée de la crédibilité tant en interne qu’en externe.
- La mesure de l’empreinte CO2 de l’entreprise est essentielle (y compris dans les PME) pour faire avancer l’innovation dans le sens de la durabilité. Cela nécessite un degré d’automatisation aussi élevé que possible et des outils simples.
- Les émissions de CO2 doivent être systématiquement prises en compte dans les décisions d’investissement. Mais la comptabilité des émissions est encore insuffisamment ancrée dans les entreprises, même dans celles qui ont des objectifs ambitieux. C’est là que le dirigeant doit intervenir.
- Le passage à zéro net est souvent lié à de très importantes restructurations, d’où la nécessité d’étapes intermédiaires. Par exemple, au lieu de revoir entièrement l’infrastructure de l’entreprise, il faudrait dans une première étape l’exploiter de manière plus intelligente (par exemple grâce l’IA). Cela constitue déjà souvent un levier majeur.
- Les industries traditionnelles, comme la branche de la construction, ont souvent besoin de plus de temps pour aller vers plus de protection du climat. La réglementation joue ici un rôle important.
Les objectifs climatiques, moteur de l’innovation : le rôle du CEO
Interventions de Nora Teuwsen, Country Holding Officer ABB, et d’Urs Neuhauser, CEO Griesser
Comment un CEO crée-t-il un environnement personnel afin que des objectifs climatiques ambitieux deviennent un moteur de l’innovation, soient perçus de manière positive par le personnel, les fournisseurs et les clients et déclenchent une bonne dynamique ?
Community Insights
- Les objectifs climatiques poussent à l’innovation – que ce soit en termes de produits ou de services – car ils obligent les responsables à repenser les choses. Pour réussir à mettre en œuvre ce processus de transformation, il faut une culture de l’organisation qui ose expérimenter ainsi qu’une culture de l’erreur (failure celebration). Développer des idées avec le concours de clients et de fournisseurs est utile. En revanche, faire des reproches à certains si des objectifs climatiques ne sont pas atteints ne sert à rien. Le CEO joue un rôle essentiel dans ce domaine.
- Même s’il existe dans l’entreprise des raisons économiques en faveur de la protection du climat, c’est utile si un CEO agit aussi par conviction personnelle. Un dirigeant peut aussi encourager ses collaboratrices et collaborateurs en ce sens, par exemple avec des programmes de mentoring. En même temps, cela ne signifie pas qu’aucune contradiction personnelle n’est autorisée.
- La durabilité ne vient pas toute seule et exige de la part du dirigeant qu’il s’engage activement. La responsabilité dans ce domaine ne peut pas être déléguée. Un CEO doit être conscient de son rôle de moteur de l’innovation.
- Pour que les objectifs climatiques soient aussi inscrits systématiquement dans l’ADN de l’entreprise, ils doivent être intégrés dans l’activité quotidienne, et les progrès doivent être mesurés. La responsabilité finale se situe au niveau des dirigeants.
Passer d’un modèle économique à fortes émissions de CO2 à une activité climat compatible
Intervention de Patrick Meli, CEO MAN
La protection du climat oblige de nombreuses entreprises à se transformer et, par exemple, à remplacer certains produits qui émettent beaucoup de CO2. Comment un tel processus est-il mené en interne et comment gère-t-on les résistances et les conflits d’objectifs ?
Community Insights
- C’est précisément dans un modèle économique à fortes émissions de CO2 que des objectifs climatiques ambitieux doivent être rapidement mis en œuvre avec suffisamment d’attention de la part du management.
- Les bonnes performances de l’entreprise donnent une marge de manœuvre pour proposer de nouvelles idées et les mettre en œuvre. Mais cela requiert aussi d’avoir du courage et un esprit d’entreprise pour réfléchir au-delà de l’activité quotidienne et de ses bonnes performances.
- La réglementation peut être un moteur de l’innovation (cela va des incitations financières et des valeurs limites à l’outphasing de technologies en passant par les normes).
- La pression des clients (scope 3) de même que celle du personnel est un moteur important de l’innovation.
Collaboration avec des start-up, moteurs de l’innovation, pour aller vers plus de protection du climat
Intervention d’Elena Walder, Übermorgen Ventures
Dans le monde, mais également en Europe et en Suisse, il y a de plus en plus de start-up qui proposent des solutions dans le domaine de l’énergie et du climat (« Climatech »). En Suisse, les investissements dans ces start-up ont quadruplé l’année dernière. Les grandes entreprises doivent faire appel à ce potentiel d’innovation pour faire progresser la mise en œuvre des objectifs climatiques et exploiter les opportunités de transformation de l’économie en direction zéro net, que ce soit par des coopérations, des participations ou même des acquisitions de start-up répondant à un objectif stratégique.
Community Insights
- Pour identifier des start-up dans le secteur Climatech, qui correspondent à la stratégie climatique de l’entreprise, Übermorgen Ventures ou des associations comme swisscleantech peuvent apporter une aide ou établir des contacts.
- Il faut prendre conscience du fait que les investissements dans des start-up sont un « people business ». Bien sûr, il faut que la technologie soit solide, mais en fin de compte on investit dans des personnes. Cela signifie qu’en tant qu’investisseur, on doit aussi avoir le courage d’adapter les équipes, notamment lorsque les fondateurs ayant éventuellement une forte orientation scientifique ne correspondent pas aux exigences de la commercialisation.
- Une entreprise qui souhaite investir dans des start-up a besoin de temps et d’un réseau solide pour identifier et développer les bonnes coopérations. Des structures simples ou des fonds de capital-risque – comme il en existe par exemple chez Romande Energie – facilitent la prise de décision rapide.
- De manière générale, les conditions-cadre en Suisse peuvent être encore améliorées pour encourager davantage les start-up (allègements fiscaux pour les investissements dans des start-up comme en Grande-Bretagne, plus de capitaux, une plus forte orientation des hautes écoles vers la création d’entreprises etc.)
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